On lui doit des bandes-originales aussi célèbres que celle du "Mépris" de Godard. Disparu en 1992, Georges Delerue reste l'un des plus grands compositeurs de musique de films, capable d'incarner un cinéma français en plein renouvellement, et portant en même temps un véritable sens de l’éternité.
Il aurait 100 ans aujourd'hui. Pianiste et compositeur né le 12 mars 1925, Georges Delerue est le créateur de bande-originales parmi les plus marquantes du cinéma français mais aussi étasunien du XXe siècle.
Des thèmes qui ont incarné la modernité d'un cinéma français en plein renouvellement, portant en même temps un sens de l’éternité, de Hiroshima mon amourde Alain Resnais à La nuit américaine de François Truffaut ou au Mépris de Jean-Luc Godard.
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Si sa musique semble parfois oubliée, elle est pourtant toujours citée par nombre de réalisateurs à l’étranger, à commencer par Wes Anderson ou des cinéastes européens attachés à la Nouvelle Vague. De fait, son oeuvre continue de vivre.
De Roubaix à Paris
Né en 1925 à Roubaix dans le Nord-Pas-de-Calais, fils d’un contremaître, Georges Delerue travaille dès ses 14 ans. Les harmonies et orchestres où se réunissent ouvriers et mineurs ne sont cependant pas très loin, et son père le fait même entrer dans une harmonie pour lui éviter le service militaire.
Georges Delerue, qui se passionne rapidement pour le piano, se retrouve alité à 15 ans. Il décide alors de se consacrer pour toujours à la musique. Il s'inscrit au conservatoire, travaillant en même temps à l’usine. Puis viennent le Conservatoire de Paris, les galères et les piano bars.
Peu à peu, Georges Delerue se fait un nom dans le monde du théâtre puis du cinéma, dans les courts-métrages de jeunes réalisateurs qui seront ceux de la Nouvelle Vague.
Le style Delerue
Dans ces années 50 et 60, Delerue montre qu'il est capable de se réapproprier tous les styles, en témoigne son Saint-Tropez blues, issu du film Une fille pour l’été de Édouard Molinaro (1960).
Mais Delerue devient aussi rapidement célèbre pour sa capacité à composer des morceaux évoquant la grande musique. Dès Le Bel Âge de Pierre Kast (1968), il peut de fait citer, comprendre et livrer pour le cinéma de son temps des langages musicaux issus directement de la grande période classique.
De François Truffaut à Oliver Stone...
A partir des années 1960, Delerue devient l’un des collaborateurs de prédilection de Truffaut, avec qui il se lie également d’amitié. Son travail dans des films comme Jules et Jim (1962) montre son habileté à trouver des thèmes lancinants incarnant ce qui se joue à l’écran.
Autre collaboration importante, celle avec Philippe de Broca, qui signe alors de grands films populaires de qualité, dont L’Homme de Rio (1964). Dans ce film d’aventure situé entre Nouvelle Vague et Baroque, Georges Delerue parvient à combiner son propre style et la musique brésilienne des sambistas.
Georges Delerue s'affirme surtout comme un véritable spécialiste des thèmes doux amers qui annoncent à la fois quelque chose et sa fin. Un motif au coeur d’un film qui est peut-être le plus célèbre de sa filmographie: Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963). Le thème de Camille en particulier, inspiré de Bach et joué par un orchestre symphonique à cordes, reste à jamais personnifié par le dos nu de Brigitte Bardot.
Le succès des films pour lesquels il compose amène Georges Delerue à faire le grand saut de l’autre côté de l’Atlantique et à travailler avec des cinéastes tels que Oliver Stone pour son film Platoon (1986). Tout au long de cette carrière étasunienne, Delerue regrettera cependant un manque de liberté et une forme d'automatisme consistant à faire jouer de la musique lorsqu’il y a des trous et un manque de rythme à l’image, lui-mêmene mettant de la musique que lorsque c'est entièrement nécessaire.
A ne pas rater!
- Le 11 avril, l'événement "Georges Delerue - Un géant du cinéma / La Nuit américaine" rendra hommage à Georges Delerue à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique à Paris

Extraits sonores:
- Georges Delerue, At the Castle, du film Cartouche, Philippe de Broca, 1962
- Georges Delerue, générique du filmJules et Jim, François Truffaut, 1962
- Georges Delerue, Saint-Tropez blues, du filmUne fille pour l’été, Édouard Molinaro, 1960
- Georges Delerue,final du filmLe Bel Âge, Pierre Kast, 1968
- Archive:Georges Delerue sur le filmTirez sur le pianistede Truffaut,Georges Delerue, Jean-Louis Comolli, 1994
- Georges Delerue, Trois petites notes de musique, du filmUne aussi longue absence,Henri Colpi, 1961, ici repris parYves Montand
- Georges Delerue,Jim et Catherine, du filmJules et Jim,François Truffaut, 1962
- Georges Delerue, Adagio, du filmCompte à rebours,Roger Pigaut, 1970
- Georges Delerue,L’Homme de Rio, Philippe de Broca, 1964
- Georges Delerue, La Peau douce, François Truffaut, 1964
- Georges Delerue, Thème de Camille, du filmLe Mépris, Jean-Luc Godard, 1963
- Georges Delerue, Grand Choral, du filmLa Nuit Américaine, François Truffaut, 1973
- Archive:Georges Delerue ne veut pas être considéré comme un musicien de cinéma, Alsace soir, 1975
- Georges Delerue,Concertino pour trompette et orchestre à cordes: Allegro, 1951
- Georges Delerue, The Bicycle Race, du filmI Love You, je t'aime(A Little Romance),George Roy Hill, 1979
- Archive: Archive:Georges Delerue sur la vérité sur la musique de film,Georges Delerue, Jean-Louis Comolli, 1994
- Georges Delerue, Barnes shoots Elias, du filmPlatoon, Oliver Stone, 1986
- Georges Delerue,Ballade dérisoire - Largo - arrangement pour quintette à cordes, du filmL'important c'est d'aimer, Andrzej Żuławski, 1975
- Archive:Georges Delerue sur la rencontre avec Andrzej Żuławski et Georges Brassens, Alsace soir, 1975
- Georges Delerue, Heureux qui comme Ulysseinterprétée par Georges Brassens, du filmHeureux qui comme Ulysse, Henri Colpi, 1970